mardi 15 juillet 2014

Croyances prohibantes

1) Le contexte
L'actualité semble nous laisser un peu de répit, en ce moment, et cela nous donne le temps de mettre les choses au point concernant certaines allégations naguère proférées et qui participent à constituer un fond d'argumentaire potentiellement réactivable.
 Un fond d'argumentaire que nous devons sans cesse nous attacher à vider de sa substance.
Du moins des parties que nous estimons fallacieuses.
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2) La question de Jacques Dupont
Revenons donc aux propos que tint, le 30/11/2013 dans le cadre du colloque "Vino Bravo", Mme Agnès Buzyn, présidente de l'INCa.
 Et plus particulièrement à la réponse qu'elle apporta à M. Jacques Dupont, excellent défenseur du vin, auteur du remarquable ouvrage intitulé : "Invignez-vous".
Cela se passe de 1h 31mn 20 sec à 1H 35mn 20 sec :  https://www.youtube.com/watch?v=YiYuLR2T6aQ#t=5.
 Mr Dupont, demande s'il existe des études sérieuses concernant la relation entre consommation de vin et occurrences de cancers.
Et rappelle les «49000 morts découvert l'année dernière contre 45000 en 1995» par l'inénarrable Mme Hill, ce qui fait que «plus on boit d'alcool moins on meurt et moins on boit d'alcool, plus on meurt» (en accord avec notre "Mini dosssier" du 26/04/2013 : "Principe de Hill").
 Reprenant ainsi l'observation que nous émettions dans notre notre article "Hier lundi..." dès le 05/03/21013.
Argument qu'il avait déjà utilisé lors de sa confrontation radiophonique avec ladite dame le 16/09/2013 : http://www.franceinter.fr/emission-le-telephone-sonne-questions-sur-le-vin-ce-produit-phare-du-patrimoine-francais.
 Et plus en amont encore dans son article du 08/05/2013 :  http://www.lepoint.fr/vin/contre-l-alcoolisme-le-bon-vin-08-05-2013-1664727_581.php.
Dommage que nous n'ayons indiqué que 3 semaines après ce colloque le fait que pour l'INCa et Mme Hill le nombre de décès par cancer dus à l'alcool avait augmenté de 67% entre 2006 et 2009 (voir notre article "Double langage (2)" du 23/12/2013, à peu prés au milieu).
 Le faire remarquer aurait été encore plus intéressant.
Et M. Dupont concluait sa demande d'«études épidémiologiques sérieuses» ainsi : «je vous rappelle quand même que Mme Hill, dans ses 49000 morts, oublie un peu de déduire ceux qui boivent du vin et qui fument en même temps».
 Excellente remarque qui renvoie à notre "mini dossier" du 15/04/2013 : "Éthylo-tabagisme et cancer des VADS" en lequel nous démontrions que si l'alcool peut générer le cancer des Voies Aéro-Digestives Supérieurs, c'est essentiellement en présence de tabac.
«Oui mais -nous dira le lecteur- il ne s'agit là que du cancer des VADS et il en existe d'autres.».
Patience !
 Nous verrons plus loin que la pertinence de l'observation émise par Jacques Dupont est bien pleine et entière.
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3) Réponse d'Agnès Buzyn
La présidente de l'Institut National du Cancer nous parle de «méta-analyses très robustes» et va rétorquer au journaliste : «par rapport à l'étude que vous demandez, il y a une étude très sérieuse... une étude rétrospective» et cite comme échantillon de référence «des gens qui ne boivent jamais pour des raisons culturelles parfois, religieuses... et on percevait un risque, faible, de l'ordre de 10% du cancer colorectal, de 10% du cancer du sein, dans la population de ceux qui avaient bu par rapport à ceux qui n'avaient jamais bu ».
 Mais, et c'est là que nous en venons un cœur du sujet, elle ajoute, en dessinant du doigt un cercle autour du bas de son visage, «de même on observe une augmentation de 29% du risque ORL entre ceux qui avaient bu et ceux qui n'avaient pas bu. Ce sont des études épidémiologique très robustes».
Quand Mme Buzyn dit ORL, nous pensons qu'elle veut dire VADS, car l'otorhinolaryngologie traite également du nez et des oreilles.
 Et on espère qu'il est encore possible de dire à haute voix le mot "vin" sans se voir accuser de refiler le cancer du tympan à son interlocuteur !
Alors 10% c'était "faible", comme dit Mme Buzyn et ce chiffre est très proche de la proportion de français classée "consommateurs à risque chronique", des personnes qu'il faut repérer et guérir ... comme toutes celles qui souffrent d'addiction à une substance nocive en cas de consommation excessive.
Le sucre par exemple.
 Par contre, 29% c'est plus lourd et pourrait justifier que l'on s'inquiète également des populations classées à risque ponctuels.
Et, de manière beaucoup moins évidente, bien sûr, mais quand même un petit peu aussi, des usagers de la consommation modérée, «dès le premier verre».
 Sauf que nous avons quelques observations à formuler...
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4) Nos observations sur cette réponse
Mme Buzyn ne donne pas les références de l'étude «très robuste» qu'elle évoque.
 Mais nous avons déjà entendu cet argument et nous savons de quoi il s'agit.
En 2007 paraissait une étude arborant fièrement les logos du réseau NACRe et de l'INCa intitulée "Alcool et risque de cancer".
 Sa rédactrice première citée était Paule Latino-Martel que nous connaissons bien depuis "l'affaire de la brochure".
Dans le comité de relecture-validation on trouve quelques-uns des plus terribles œnophobistes de l'ombre.
 On y trouve ceci (1° colonne, page numérotée 17) :
«Certaine études ont été menées sur des populations traditionnellement abstinentes (Adventistes* et Mormons*) : le taux de cancer de la cavité buccale, du larynx ou de l’œsophage chez les Adventistes est très faible par rapport à une population non-adventiste [Wynder, 1959]; de même le taux de cancer de la cavité buccale, du pharynx,  de l’œsophage ou du larynx chez les Mormons est plus faible comparé à celui des non-Mormons dans l'Utah [Lyon, 1980   ]».
Or :
Les Adventistes -ou plutôt Adventistes du 7° jour- s'abstiennent «de toutes viandes, poissons, boissons alcoolisées ou produit contenant de la caféine (les boissons telle que le coca-cola par exemple), des condiments forts et des fromages fermentés, café, thé, tabac et tout autre stupéfiant» : CLICK (au 2/3 de la page).
Quand aux Mormons (voir gravure en haut de page représentant la première vision de leur prophète fondateur, Joseph Smith), si la viande et le poisson leur sont autorisés,  ils «ne boivent pas d'alcool, de café ou de thé et s'abstiennent de toutes substances nocives y compris le tabac» : CLICK (début de texte).
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5) Nos conclusions
  a) Ces groupes humains ne fument donc pas et tout scientifique sérieux admettra que là est la principale raison pour laquelle ils sont préservés du cancer des Voies Aéro-Digestives Supérieures.
 b) Utiliser cette comparaison pour "faire porter le chapeau" au vin nous semble relever de la carabistouille manipulatrice.
  c) Nous respectons toutes les croyances, opinions ou options philosophiques.
Ce respect nous impose d'admettre que certaines d'entre elles comportent quelques interdits alimentaires.
 Mais en retour chacun doit admettre que, chez les presqu'œnolâtres que nous sommes, au moins l'un de ces interdits éveille un fort sentiment de compassion à l'égard de leurs fidèles... et à la lointaine postérité de ces derniers pour les raisons que nous avons exposées dans notre article "L'oeuf et la poule".
 Et que par conséquent nous ne souhaitions pas franchement un brillant succès à leurs actions prosélytiques éventuelles.
 Non plus qu'à celles de tout prosélytisme œnophobique... qu'il soit laïque ou religieux !
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6) Notre question à Mme Buzyn
Utiliseriez vous les mêmes études (Wynder 1959 et Lyon 1980) pour mettre en cause le thé et le café de la même manière ?

Pour mémoire, quelques autres articles parus ici concernant les propos de Mme Buzyn :
 04/12/2013 : Double langage (1)
 22/12/2013 : Double langage (2)
 06/01/2013 : Continuer...
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